Jacques Monod et la 'révolution théiste'

de W. Peter Gadsby
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Jacques se rendit célèbre pour ce qu’il apporta non seulement à son domaine de la biologie moléculaire, mais aussi à la philosophie. Il était ami intime du philosophe français, Albert Camus. Le livre de Monod, 'Le hasard et la nécessité », publié en 1970, se termine par ces mots :

. . . l’homme finalement se rend compte qu’il est seul dans l’immensité impitoyable de l’univers, duquel il a émergé purement par hasard. Ni son destin, ni son devoir n’ont été consignés par écrit. C’est à lui de choisir : soit le royaume des cieux, soit les ténèbres ici-bas.

En coopération avec François Jacob, Monod contribua beaucoup à expliquer comment les gènes règlent le métabolisme cellulaire en dirigeant la biosynthèse des enzymes. Il partagea avec Jacob et Andrew Lwoff le prix Nobel pour la médecine et la physiologie en 1965.

Jacques Monod mourut en 1976 au milieu de l’année, à l’âge de 66 ans. Le 10 juin 1976, l’Australian Broadcasting Commission Science Unit (le département de science de la commission de diffusion australienne) diffusa une émission en son hommage intitulée 'le secret de la vie'. Le programme conclut par une interview entre Monod et Laurie John dans laquelle , selon l’animateur d’ABC Robyn Williams [lui-même athée et anti-créationiste fanatique – Ed.], Monod révéla sa conviction 'que la vie et l’évolution sont dépourvus d’un but ultime'. Ceux qui désirent concilier une croyance en l’évolution avec la foi en Dieu devraient réfléchir à ses paroles :

Monod : si nous croyons à un Créateur – si nous éprouvons un besoin pour cette croyance – c’est fondamentalement pour des raisons morales, afin de voir un but pour nos propres vies. Pourquoi Dieu aurait-il été obligé de choisir ce mécanisme extrêmement complexe et difficile quand, je dirais par définition, il était libre de choisir d’autres mécanismes et pourquoi aurait-il été forcé de commencer avec de simples molécules ? Pourquoi ne pas créer l’homme d’emblée, comme bien sûr le croyaient les religions classiques ?

John : Mais alors pourquoi, d’après vous, la théologie devrait être automatiquement aussi simple que possible, alors que vous admettez que la science devient de plus en plus compliquée ? Peut-être, ne savons-nous pas pourquoi Dieu n’a pas simplement dit : 'voici l’homme'. Mais il peut y avoir des raisons.

Monod : Je ne vois tout simplement pas de raisons et aucun théologien ne m’a encore pas donné une bonne réponse à cette question. Et puis encore nous abordons ce qui est vraiment une attitude éthique. Se réfugier dans le mystère qui est inapprochable est, du point de vue de la science contraire à la morale. Notre devoir en tant que scientifique est de considérer qu’il n’existe aucun mystère qui ne soit par définition impénétrable à l’analyse. Les savants connaissent bien le problème général que pose l’analyse de l’invisible. C’est ce qu’on appelle 'la boîte noire'. Et d’ailleurs, c’est comme cela que les physiciens ont travaillé sur les atomes, car ils n’ont jamais vu d’atome – personne n’a jamais vu un atome. Et pareillement, il y avait des entités appelés 'gènes' que personne ne pouvait voir, personne ne connaissait leur constitution et pourtant nous pouvions déduire un grand nombre de propriétés de ces entités à partir d’expériences. Alors, si l’on voulait essayer de construire ce que j’appelerais, scientifiquement, une image significative de Dieu, on devrait supposer un certain nombre de propriétés finies, précises ; on serait d’accord, bien entendu, sur le fait que ces propriétés ne pourraient jamais être vérifíées directement mais que, au moins certaines des conséquences de ces propriétés seraient prévisibles. À mon avis, le concept moderne (ou modernisé) de Dieu ne possède aucune de ces propriétés. On n’assigne au concept de Dieu aucune définition assez claire ou précise pour qu’il soit ouvert à l’expérience, à l’observation qui représente, bien sûr, une transformation fondamentale dans l’esprit des personnes religieuses. Ceci n’est pas le concept classique de Dieu.

John : J’aimerais revenir à la question de la création. Si je comprends votre point de vue et comme on me l’a présenté, les chrétiens ont traditionnellement affirmé que 'Dieu créa le monde au commencement ; à un certain stade Dieu créa la vie ; il participa à de nombreux moments de la création'. Puis la science entre en scène et dit : Non, nous somme à même de vous donner une version déterministe de la façon dont l’univers fut créé et de celle dont la vie apparut, entièrement à l’aide de lois scientifiques ; nous n’avons aucunement besoin de l’hypothèse d’un créateur théiste'.

Est-ce que j’ai raison de penser que vous avez poussé cette pensée plus loin et que vous dites : 'Non, en réalité ce n’est pas un système déterministe ; il est encore plus difficile d’imaginer Dieu à cause des éléments aléatoires qui se produisent à des moments différents de cette histoire et qui constituent vraiment le fil qui en assure la cohésion ? Dieu n’aurait pas pu décider au départ d’utiliser ce mécanisme pour créer l’homme car il n’aurait pas pu prédire au commencement que l’homme serait apparu grâce à ce dernier (les italiques sont ajoutés).

Monod : Vous avez tout à fait raison. L’avènement de l’homme fut complètement imprévisible jusqu’au moment où il se produisit actuellement.

John : Alors, autrement dit, il faudrait que nous ayons une version plus sophistiquée de la création. Est-ce que cela vous ennuierait si je pouvais emprunter une phrase de votre livre et voir comment vous la considerez en tant que tentative de trouver une version plus sophistiquée du Créateur ? Vous signalez deux facteurs dans l’apparition de formes de vie de plus en plus évoluées : le premier est le hasard et les mutations ; le second, la sélection naturelle. Ce que vous dites, c’est que cet effet de hasard est la substance dont se nourrit la sélection naturelle. Et vous dites que ce n’est pas grâce au hasard, mais plutôt à ces conditions – à savoir, de l’objet de la sélection – que l’évolution doit son déroulement généralement progressif et son développement régulier que ceci semble suggérer. Autrement dit, on pourrait concevoir que Dieu employa le hasard, tant que le schéma était présent pour qu’il l’impose sur les résultats des mutations aléatoires.

Monod : Si vous voulez supposer cela, alors je n’y suis pas opposé, si ce n’est que cela présente un conflit (non pas scientifique, mais moral). C’est-à-dire que la sélection est le moyen le plus aveugle et le plus cruel de développer des espèces nouvelles et des organismes de plus en plus complexes et perfectionnés …

John : Cruel ?

Monod : Je dis : Plus cruel car c’est un processus d’élimination, de destruction. La lutte pour la vie et l’élimination du plus faible est un processus horrible, contre lequel toute notre éthique moderne se révolte. Une société idéale est une société non sélective, dans laquelle le faible est protégé, ce qui exactement l’inverse de la prétendue loi de la nature. Cela m’étonne qu’un chrétien défendrait l’idée que ceci est le processus que Dieu établit plus ou moins dans le dessein d’aboutir à l’évolution (les italiques sont ajoutés).

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